Autre enclume
Mais
quelle mouche pique Claude Allègre ?
5 mars
2010
Claude Allègre vient de
publier un nouveau livre, « L'imposture climatique,
ou la fausse écologie », un pamphlet où il ressasse ses vieilles
lunes déjà largement exposées dans ses ouvrages précédents et où il
collectionne erreurs et contre-vérités. A tel point que dans les médias,
souvent favorables au chercheur et ancien ministre, certains commencent à s’émouvoir
sérieusement.
Le ton répétitif du
livre, les attaques irraisonnées contre le GIEC, sont dénoncés dans un article
des Echos (http://www.lesechos.fr/info/analyses/020383652677-le-climatosceptique-en-chef-perd-le-nord.htm). Les attaques infondées de Claude Allègre sur le GIEC
et la conférence de Copenhague sont également pointées dans un article du blog
de Libération (http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/all%C3%A8gre-d%C3%A9buggage-3-le-graphique-faux.html) qui relève aussi un certain nombre d’affirmations
fausses sur l'évolution r& eacute;cente du climat. Particulièrement remarquable
est la démonstration que la courbe sur laquelle s’appuient Vincent Courtillot
et Claude Allègre pour affirmer l’effet prédominant du soleil sur l’évolution
récente du climat est grossièrement fausse. Ils le savent depuis une séance à l’Académie
des sciences en 2007, mais n’ont jamais répondu par écrit aux arguments
scientifiques qui l’avaient montré.
Les erreurs, elles, sont nombreuses : le Monde en
fait une liste non exhaustive (http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/02/27/le-cent-fautes-de-claude-allegre_1312167_3244.html), le blog de Libération également dans l’article cité
ci-dessus, et aussi dans une réponse à Claude Allègre de Jean-Louis Fellous[1]
(http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/jeanlouis-fellous-r%C3%A9pond-%C3%A0-claude-all%C3%A8gre.html), qui fustige confu sions, contre-vérités et
affirmations sans fondement de Claude Allègre :
- Erreur scientifique :
prétendre que la difficulté de prévoir la météo à 10 jours empêche de
prévoir le climat à long terme, c’est confondre météorologie et
climatologie ; chacun sait qu’il fait plutôt chaud l’été et plutôt
froid l’hiver, même s’il est difficile de prévoir le temps qu’il fera en
Bretagne la semaine prochaine !.
- Contre-vérité : affirmer que les
climatologues considèrent que le CO2 est la seule cause du
changement climatique, alors ceux-ci incluent de plus en plus de facteurs
dans leurs modèles : autres gaz à effet de serre, aérosols, soleil,
couplage atmosphère-océan, couplage avec la biomasse.
- Affirmation sans fondement : affirmer que
les climatologues négligent les autres problèmes auxquels les hommes
doivent faire face, comme l’alimentation, l’accès à l’eau etc. En réalité,
Claude Allègre sous-estime la gravité de ces questions, rendues plus
aigues par le réchauffement climatique.
Et que penser du fait que
Claude Allègre enrôle hardiment parmi ses supporters des personnes qui n’hésitent
pas à dire qu’elles sont en désaccord avec lui ? Le blog de Libération
y consacre un petit article (http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/all%C3%A8gre-d%C3%A9buggage-2-le-sergent-recruteur.html) ; outre les exemples donnés dans l’article
signalé ci-dessus, le Monde dresse toute une liste de personnalités réelles ou
imaginaires, scientifiques ou non (http://ww
w.lemonde.fr/planete/article/2010/02/27/la-liste-imaginaire-des-cautions-scientifiques-enrolees-par-l-ancien-ministre_1312168_3244.html), que Claude Allègre présente abusivement comme des
scientifiques qui le cautionnent.
A la dernière émission
(28 février 2010) de « C Politique », à la suite de la remarque de
Jean Jouzel que le mois de Janvier
Claude Allègre nie le
rôle du CO2 émis par l’homme sur le climat. Mais il recommande tout
de même d’en limiter drastiquement les émissions. D’une part pour économiser
les ressources fossiles, d’autre part pour une raison qui préoccupe aussi
beaucoup les climatologues : le CO2 accumulé dans l’atmosphère
produit une acidification de la mer qui peut nuire gravement à sa faune et avoir
des conséquences graves pour l’environnement et les populations côtières.
Est-ce une raison pour aligner tant de contre-vérités sur l’effet des gaz à
effet de serre sur le climat ?
Que l’on veuille s’opposer
aux visions apocalyptiques développées par certains courants écologistes à
partir de certains résultats scientifiques mal compris, c’est une chose. Mais
ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. S’opposer aux peurs, cela ne peut se
faire qu’en propageant une approche rationnelle du monde, et non par le
dénigrement poujadiste du travail d’une communauté scientifique.
Les quelques «
non-événements » montés en épingle autour et à la suite de la conférence de
Copenhague (dont la fameuse coquille concernant la fonte des glaciers de l’Himalaya)
ne doivent pas entamer les efforts remarquables que la communauté des
climatologues ont déployés depuis plus de 20 ans pour mettre à disposition du
public général les résultats publiés par l’ensemble des chercheurs du domaine (rappelons
encore une fois que le GIEC n’est pas un organisme de recherche). Ces résultats
sont nuancés, pondérés par l’attribution de probabilités reflétant les
incertitudes attachées aux divers phénomènes en jeu, ils ne ressemblent en rien
à la caricature que les « climato-sceptiques » cherchent à i nstaller auprès de
l’opinion à coups d’arguments d’autorité non fondés. On souhaiterait que d’autres
communautés de scientifiques parviennent à alimenter le débat public en présentant
ainsi une synthèse des connaissances d’une période. Quant au bilan de la
conférence de Copenhague, il est double : d’une part, la présence des principaux
chefs d’état de la planète – une première !- a validé la nature globale des
problèmes ; d’autre part, l’absence de tout engagement chiffré des états a fait
apparaitre que les solutions ne sont pas de nature technique, mais politique,
et que les équipes politiques, constituées sur le court terme, ne sont pas
encore prêtes à envisager sérieusement le long terme. Faut-il s’en réjouir,
comme le fait Claude Allègre ?
[1] Ancien responsable des programmes d'observation de la Terre
par satellites au Cnes et ancien directeur des recherches océaniques de l’Ifremer.
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