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communique Criad radioactivité

 

 

NOTE D’INFORMATION CRIIRAD

du 21 mars 2011 - 20h

PANACHES RADIOACTIFS :

Quels sont les risques attendus sur la France ?

Au vu du nombre impressionnant de demandes qu’elle a reçues, et plus encore de l’inquiétude exprimée par la

plupart des messages, la CRIIRAD a décidé de rédiger un texte d’information destiné à rassurer autant qu’il est

possible les personnes qui l’ont interpellée sans pour autant aller au-delà de ce que permettent les données

disponibles. Ceci explique que ce texte a été très difficile à rédiger.

C’est que les données utilisables restent rares. C’est d’autant plus choquant que des résultats d’analyse

existent mais qu’ils ne sont pas publiés. Nous reviendrons dans un prochain communiqué sur les nombreux

dysfonctionnements qui ont provoqué depuis 10 jours notre indignation et notre colère.

INFORMATION TARDIVE

La CRIIRAD tient tout d’abord à présenter ses excuses pour n’avoir pas répondu plus tôt aux très

nombreuses demandes d’information qu’elle reçoit depuis plusieurs jours. Ses excuses s’adressent tout

spécialement :

·

à ses adhérents

qui habitent très majoritairement la France et à qui la CRIIRAD aurait dû prioritairement

envoyer des informations. C’est en effet grâce à leur soutien que la CRIIRAD s’est créée et qu’elle continue

d’exister aujourd’hui.

·

à la Région Rhône-Alpes, aux départements de la Drôme, de l’Isère, aux municipalités d’Avignon, de

Romans-sur-Isère, de Valence (et environs), de Montélimar (et environs), à la communauté de

communes du Pays-Roussillonnais.

C’est grâce à leur soutien financier qu’existe dans la vallée du Rhône

un réseau de balises de surveillance de la radioactivité de l’air indépendant de l’Etat, des exploitants et

des services officiels. Ce réseau s’est constitué malgré l’opposition farouche de l’Etat français. La situation

n’a pas forcément changé. C’est en tout cas ce que suggère l’échec inattendu du projet d’implantation

d’une 6

ème

balise en Haute-Savoie. La municipalité d’Annecy et le SILA (syndicat mixte du lac d’Annecy)

avaient donné leur accord, mais le projet a ensuite été abandonné… après une réunion avec la Préfecture

et l’IRSN.

LE CHOIX DE LA CRIIRAD

Etant donné les niveaux de risque auxquels sont exposées les populations japonaises, nous avons décidé

de concentrer nos efforts sur la situation au Japon, sachant évidemment que les panaches radioactifs

n’arriveraient sur la France que postérieurement et que les concentrations en produits radioactifs auraient

considérablement décru. En parallèle, des recherches ont immédiatement été lancées sur les réseaux de

mesures implantés aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique afin de disposer d’une évaluation

intermédiaire des niveaux de contamination des panaches avant leur arrivée sur l’Europe.

Ce jour 21 mars, la situation au Japon reste la priorité de la CRIIRAD

: les rejets radioactifs continuent, ils

peuvent s’aggraver à tout instant ; les conditions météorologiques sont en outre défavorables et pourraient

le rester jusqu’à mercredi minuit au minimum (heure de Tokyo) ; les mesures de protection qui ont été prises

sont insuffisantes ; les niveaux de contamination dans les produits à risque sont très élevés et bien au-delà

des zones proches de la centrale (nous avons travaillé tout le week-end pour contrer les informations

erronées diffusées à ce sujet).

Le présent document vient en complément. Il s’efforce de faire le point sur les niveaux de contamination

attendus en France. Dès lors que le travail d’analyse de notre laboratoire pourra commencer, l’information

sera plus facile à élaborer.

PROGRESSION DES MASSES D’AIR CONTAMINE EN DIRECTION DE L’EUROPE

Mécanismes de diminution de la radioactivité de l’air

La centrale nucléaire de Fukushima Daiichi rejette dans l’atmosphère, depuis 10 jours, tout un cocktail de

produits radioactifs. Schématiquement, 3 mécanismes concourent à abaisser les niveaux de contamination et

par conséquent les niveaux de risque :

1/ les émissions radioactives sont progressivement diluées dans des volumes d’air de plus en plus importants.

Ceci conduit évidemment à une baisse de la concentration de l’air en produits radioactifs (ou plus

exactement à une baisse de l’activité de l’air qui s’exprime en Bq/m

3

). L’air que les populations sont

susceptibles de respirer est ainsi de moins en moins radioactif.

Note : c’est ce que Roger Belbéoch appelle la démocratisation du risque : les niveaux d’exposition sont plus

faibles mais un bien plus grand nombre de personnes est touché.

2/ les produits radioactifs présents dans l’air se déposent progressivement au sol,

ce qui conduit à appauvrir

progressivement le panache et à abaisser d’autant sa dangerosité. Deux mécanismes convergent :

les dépôts

secs

, qui se produisent en permanence, quelles que soient les conditions météorologiques, et les

dépôts

humides

, plus intenses, qui sont provoqués par la pluie ou la neige. En tombant, elles lessivent en effet les

masses d’air contaminé, précipitant au sol (ou sur les océans) les particules radioactives en suspension

(aérosols) et les gaz solubles (c’est le cas des iodes radioactifs). Il faut espérer à ce propos que les panaches

radioactifs restent le plus longtemps possible sur le Pacifique et l’Atlantique où l’impact des retombées est

moindre d’un point de vue sanitaire.

3/ l’activité des produits radioactifs diminue dans le temps :

pour certains, comme le césium 137 ou le

krypton 85, très lentement ; pour d’autres, assez rapidement. Le rythme de décroissance est déterminé par

la période radioactive de chaque radionucléide. Celle de l’iode 131 est de 8 jours. Cela signifie qu’en 1

période, soit 8 jours, l’activité initiale est divisée par 2 ; en 2 périodes, soit 16 jours, par 4 ; en 3 périodes, par

8, etc.

NB : la période radioactive ne suffit pas à déterminer le temps pendant lequel un produit radioactif

reste dangereux. Il faut également tenir compte de l’activité initiale. Si l’activité initiale de l’iode est de

80 Bq, un mois plus tard, soit après 4 périodes, elle sera divisée par 16. Il ne restera « que » 5 Bq ; mais

si l’activité initiale est de 8 000 Bq, un mois plus tard, il reste encore 500 Bq.

L’impact des 3 mécanismes ci-dessus – dilution, dépôts, désintégration – augmente évidemment avec le

temps et la distance.

Le passage des panaches radioactifs sur l’Amérique du Nord

En passant par l’océan pacifique, la France est située à près de

15 000 km

des côtes japonaises. En utilisant le

logiciel HYSPLIT du NOAA américain (

http://ready.arl.noaa.gov/HYSPLIT.php

), La CRIIRAD a effectué une

modélisation des trajectoires des rejets émis à Fukushima. Il s’agit du parcours des produits radioactifs

rejetés le 12 mars à 12h TU (soit 21h Japon). Trois trajectoires sont considérées en fonction de l’altitude des

radionucléides : 50 mètres, 500 mètres et 1 000 mètres (respectivement en vert, bleu et rouge sur le

graphique en pièce jointe). La simulation est basée sur les données météorologiques du 12 mars 12h TU au

21 mars 06h00 TU archivées par le NOAA.

Selon cette modélisation, les premiers rejets radioactifs de la centrale de Fukushima Daiichi devaient

atteindre la côte ouest des Etats-Unis et du Canada le samedi 18 mars

. (voir pdf « trajectoires » ci-joint).

Nous avons alors recherché des sites Internet susceptibles de donner des résultats d’analyse ce qui nous

aurait permis d’établir un bilan intermédiaire des niveaux de contamination et de risque. En suivant

l’évolution des concentrations tout au long de la traversée des Etats-Unis, nous espérions pouvoir anticiper

plus précisément l’impact sur la France.

Nous avons effectivement trouvé des résultats, notamment auprès de l’Environmental Protection Agency

(voir lien page suivante). Malheureusement, ces résultats ne portent pas sur l’activité volumique mais sur les

taux d’émission bêta et gamma des dépôts collectés sur des filtres à air. L’évolution dans le temps de ces

paramètres montre une augmentation qui est, selon toutes probabilités, liée au passage de masses d’air

contaminé, vu sa cohérence avec les dates qui figurent sur les modélisations de trajectoires.

Les estimations publiées par l’IRSN

L’IRSN a annoncé qu’en France, l’activité de l’air en césium 137 serait de l’ordre de 1 mBq/m

3

.

Pour quantifier les rejets, l’IRSN indique qu’il «

n’a pas de données de mesure directe sur la composition et

l’ampleur des rejets radioactifs, mais dispose d’informations techniques sur les installations accidentées.

»,

précisant : «

l’interprétation de ces informations a permis à l’IRSN d’élaborer des scénarios probables de

dégradation des 3 réacteurs depuis le 12 mars, en s’assurant de leur cohérence avec les mesures de débit de

dose obtenues sur le site. L’IRSN a également retenu l’hypothèse que ces rejets se poursuivent jusqu’au 20

mars.

»

A partir des rejets estimés par l’IRSN, Météo France a simulé la dispersion des rejets radioactifs à très grande

distance, projetée jusqu’au 26 mars.

Pour visualiser la modélisation :

http://www.irsn.fr/FR/popup/Pages/irsn-meteo-france_19mars.aspx

Selon cette simulation, le panache radioactif devrait atteindre la France à partir du 23 ou du 24 mars. L’IRSN

précise que «

Les concentrations attendues à terme, d’après cette modélisation, pourraient être de l’ordre de

0,001 Bq/m

3

en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer de l’hémisphère nord. Comme

attendu, l’hémisphère sud n’est pas significativement affecté par cette dispersion à grande échelle.

»

Pour accéder aux commentaires :

http://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20110319_simulation_dispersion_panache_radioactif.aspx

Site d’accès aux données :

http://www.epa.gov/japan2011/rert/ra

dnet-data.html

Les données analysées par la CRIIRAD

concernent les stations de mesure

suivantes :

Etat de l’Alaska :

o

Anchorage

o

Juneau

Etat de Washington :

o

Seattle

Etat de Californie :

o

San Francisco

o

Anaheim

ESTIMATION DES NIVEAUX DE RISQUE

Sur la base des éléments qu’elle a pu collecter, la CRIIRAD considère que :

·

le risque d’irradiation 1 par les masses d’air contaminé sera négligeable

(les personnes qui disposent

d’un radiamètre ne devraient pas mesurer d’augmentation du bruit de fond ambiant mais nous invitons

les personnes qui sont équipées à le vérifier : une mesure vaut mieux qu’une prévision) ;

·

le risque associé à l’inhalation des aérosols et halogènes radioactifs présents dans l’air devrait être très

faible

(voir note)2 .

Les calculs de dose précisés ci-dessous indiquent que la mise en oeuvre de contremesures,

notamment la prise de comprimés d’iode stable

3

, n’est pas justifiée.

Nous avons essayé d’estimer les niveaux de dose résultant de l’inhalation des radionucléides dont la

présence est documentée : césium 137, césium 134, iode 131, iode 132, iode 133 et tellure 132. Le

premier calcul a été conduit pour une activité de 1 mBq/m

3

pour le césium 137 (estimation donnée par

l’IRSN) et de 125 mBq/m

3

pour l’iode 131 (sur la base du rapport isotopique mesuré par TEPCO devant la

centrale de Fukushima Daiichi le 19 mars 2011 à 12h - heure locale). Le calcul a été effectué en supposant

que les panaches radioactifs restent présents sur la France pendant 1 semaine et sans que leur

activité diminue.

Conclusion : une personne (adulte ou enfant) qui respirerait l’air contaminé 7 jours durant, recevrait une

dose de rayonnement

inférieure à 1 μSv

, soit un niveau de dose négligeable ;

En prenant une marge de sécurité par rapport à l’évaluation de l’IRSN (soit 10 mBq/m

3

en césium 137 au

lieu de 1 mBq/m

3), les doses s’élèvent à

2 μSv pour l’adulte et à 8 μSv pour l’enfant.

·

le risque d’irradiation des personnes par les produits radioactifs déposés sur les sols sera totalement

négligeable, n’induisant aucune augmentation mesurable du bruit de fond ambiant

(là encore ceci

pourra être facilement vérifié par des mesures radiamétriques) ;

·

le risque lié à l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par les retombées radioactives devrait rester

limité.

Le laboratoire de la CRIIRAD évaluera le plus rapidement possible les quantités de radioactivité

déposées au sol (dépôts sec et dépôts liés aux précipitations) afin de vérifier les ordres de grandeurs

attendus dans les aliments et de donner, si nécessaire, des conseils adaptés.

En conclusion, le passage des masses d’air contaminé sur la France ne doit donc pas générer d’inquiétude.

Cependant, compte tenu du manque crucial de données, la CRIIRAD est contrainte de laisser certaines

affirmations au conditionnel. Ceci devrait pouvoir être corrigé très rapidement.

Son laboratoire a procédé, dès aujourd’hui, sur plusieurs de ses balises à des prélèvements de filtres à

poussières et de filtres à charbon actif afin de vérifier que l’air que l’air que nous respirons n’est pas encore

contaminé. Les premiers résultats, qui concernent la balise implantée à Romans-sur-Isère, dans la Drôme,

confirment l’absence de contamination mesurable : pas de césium 137 dans le filtre aérosols, ni d’iode 131

dans la cartouche à charbon actif.

Ces contrôles seront intensifiés dans les jours à venir de façon à confirmer aussi rapidement que possible

(et le cas échéant à corriger) les informations rassurantes données ci-dessus.

1

Il s’agit de l’exposition des personnes aux rayonnements émis par les produits radioactifs présents dans les panaches

et qui se désintègrent. Un peu comme on peut être exposé aux rayonnements ultra-violets émis par le soleil. Il n’y a pas

d’incorporation de produits radioactifs ;

2

Sous réserve cependant que les radionucléides significatifs sur le plan dosimétrique,

mais qui n’ont pas fait l’objet de

mesures

, restent dans les rapports attendus. Il s’agit notamment des isotopes du strontium et du plutonium.

3

En revanche, le contexte actuel peut amener chacun à réfléchir à l’équilibre de son régime alimentaire et à vérifier s’il

n’est pas carencé en iode (la thyroïde a besoin d’iode stable pour fabriquer les hormones nécessaires au bon

fonctionnement de l’organisme). Rappelons également que lorsque la thyroïde est carencée en iode, elle fixe d’autant

plus l’iode radioactif.

Si les conditions météorologiques le permettent, seront également effectuées des analyses d’eau de pluie qui

renseigneront sur l’ordre de grandeur des dépôts au sol. Dans tous les cas, il sera procédé à des mesures des

dépôts secs afin de vérifier le niveau de risque pour la chaîne alimentaire.

Rappelons que la contamination des aliments type lait, fromage, viande ne s’effectue qu’avec un certain

délai : la CRIIRAD disposera d’ici là de données chiffrées et tous les résultats seront rendus publics

(envoyés à ses adhérents et partenaires et mis en ligne sur son site Internet).

 



22/03/2011
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